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Lorsqu’ils sont soumis à des contraintes, les matériaux peuvent fissurer puis casser. Le processus de création de céramiques est concerné de très près par cette problématique de rupture, autant au niveau des fentes lors du séchage, de la casse de tension lorsque les coefficients de dilatation entre terre et émail son différents, de la casse d’objets qu’on sort du four trop tôt… Il s’agit de prévoir l’apparition de fissures d’une part, et d’estimer la vitesse de propagation de la fissure lorsqu’elle apparaît, d’autre part. Ce domaine de la mécanique est assez récent, les deux principales figures de cette discipline étant Griffith (1920) et Irwin (1958). Plongeons dans la mécanique et de la rupture et la fissuration des céramiques !
Les équations qui gouvernent la mécanique du solide sont les équations d’équilibre, la loi de comportement, les conditions de compatibilité géométriques et les conditions limite.
Dans ces équations, σ est la contrainte appliquée (i.e. une force divisé par une surface) et ɛ est la déformation qui résulte de l’application de cette contrainte. En mécanique des solides, il est très courant de penser en contrainte et déformation, car on peut déduire beaucoup de choses de ces deux données, comme nous verrons par la suite.
La loi de comportement relie la contrainte et la déformation. Si on imagine que l’objet qu’on déforme est un puzzle, les conditions de compatibilité géométriques permettent d’assurer que la déformation de chaque pièce du puzzle est compatible avec ses voisines. Ainsi, il est encore possible de réaliser le puzzle après déformation. Enfin, les conditions limite permettent de bloquer une partie de l’objet, d’indiquer laquelle de ses faces on déforme, etc.
Lorsqu’on veut tester la solidité d’un matériau, on réalise des essais sur des éprouvettes (représentées en jaune clair) en laboratoire. Par exemple, on peut réaliser un essai de traction ou de flexion trois points. La flèche rouge représente la déformation appliquée : on choisit la déformation qu’on applique, et la machine applique la contrainte nécessaire pour atteindre cette déformation. On peut ainsi tracer la courbe contrainte-déformation (en haut à droite). Si la pente à l’origine est élevée (en vert), cela signifie qu’on doit appliquer une contrainte élevée pour déformer un tout petit peu le matériau, donc que celui-ci est rigide. Après cette partie linéaire (élastique), soit le matériau casse brutalement (en vert, rupture fragile), soit il se déforme plastiquement, c’est-à-dire de manière irréversible (en bleu, rupture ductile). Dans le cadre des matériaux céramiques, la courbe d’essai ressemblera plutôt à la courbe verte.
Si la rupture est fragile, on peut recoller les morceaux (par exemple si on casse une assiette) ; et si elle est ductile, on ne peut pas (par exemple si on casse en Carambar en l’étirant, il est ductile donc on ne peut pas recoller les morceaux). Cependant, ce distiguo n’est pas intrinsèque au matériau (pour un matériau fixé, à température plus élevée, la fragilité diminue). Pour une rupture fragile, on observe des facettes de rupture lisses et brillantes appelées clivages, dues à des ruptures entre grains.
Dans la microstructure d’un matériau, il y a forcément des défauts : des petits trous, des impuretés, des fissures microscopiques … Ces défauts géométriques de faible rayon de courbure créent des concentrations de contraintes, et sont donc des zones à risque. Par exemple, les bulles d’air concentrent les contraintes et fragilisent le matériau, car des microfissures sont plus susceptibles d’apparaître sur leur pourtour.
Il existe 3 modes de fissuration (I pour l’ouverture, II pour le cisaillement plan et III pour le cisaillement anti-plan ou déchirure), qui peuvent se superposer. Les FIC (ie. facteurs d’intensité des contraintes), notés Kᵢ, Kᵢᵢ et Kᵢᵢᵢ, représentent l’intensification des contraintes en pointe de fissure.
D’après le critère de propagation d’Irwin, il existe un seuil d’effort en-dessous duquel il n’y a pas de propagation. Le mode I (ouverture) étant le plus dangereux, on le teste en priorité. Donc pour Kᵢ < Kᵢc, la fissure ne se propage pas. Lorsque Kᵢ = Kᵢc, elle commence sa propagation. Kᵢc est la ténacité, elle vaut entre 0,1 et 10 MPa.sqrt(m) pour les céramiques et est une grandeur intrinsèque au matériau. La ténacité des céramiques techniques est plus élevée que celle des céramiques traditionnelles, car leurs propriétés sont optimisées pour pouvoir être utilisées dans l’industrie.
Le diagramme d’Ashby donne une vision globale des propriétés des matériaux. Les matériaux y apparaissent par famille (polymères, alliages, céramiques techniques et traditionnelles, mousses…), et on peut lire leur module d’Young en abscisse (axe horizontal) et leur ténacité en ordonnées (axe vertical). Comme expliqué précédemment, un module d’Young élevé est synonyme de rigidité, tandis qu’une ténacité importante permet de résister à la propagation des fissures.
Selon la forme et l’orientation de la fissure, différentes formules existent pour étudier le risque de fissuration. On peut donner deux applications. 1°) On connait la taille de la fissure, quelle contrainte faut-il appliquer pour la faire avancer ? et 2°) On connaît la contrainte maximale que l’ont peut appliquer, quelle est la taille maximale de la fissure pour qu’elle ne se propage pas ? Cela permet d’estimer si les fissures détectées sont dangereuses.
En mécanique des solides, la fatigue est relative à des contraintes faibles mais répétées, qui peuvent aboutir à la rupture ou la fissuration des céramiques. Par exemple, lorsqu’on tord un trombone plusieurs fois, il finit par se casser alors même qu’il résiste à une seule torsion. La courbe de Wöhler exprime le fait que le trombone cassera plus vite si on le tord beaucoup chaque fois, mais qu’il cassera aussi à un plus grand nombre de cycles si on le déforme très peu à chaque fois. Le but d’un ingénieur est d’atteindre l’endurance illimitée : la structure ne rompt alors jamais pour de faibles sollicitations.
La loi de Paris (1963, donc très récente !), qui se prononce « Pariss », décrit l’augmentation de la taille d’une fissure en fonction du nombre de cycles. Un cycle correspond par exemple, pour un essai de traction, à tirer et relâcher l’éprouvette d’une certaine amplitude. On observe alors des stries sur la faciès de rupture, qui correspondent chacune à un cycle. Cette loi décrit un phénomène général : la fissure prend un certain nombre de cycles à s’amorcer, puis se propage, et il s’en suit une rupture brutale. Cette loi permet de calculer le nombre de cycles nécessaires pour faire avancer une fissure d’une certaine longueur.
Si on s’intéresse à une approche énergétique, on peut introduire l’énergie surfacique de rupture Gc. En mode I, le critère de Griffith (1920) est alors équivalent au critère d’Irwin. Gc.dl correspond au coût par unité d’épaisseur nécessaire pour faire avancer la fissure d’une longueur dl.
Depuis le siècle dernier, des méthodes numériques permettent de prédire et calculer l’avancée de fissures dans les matériaux. La surface de l’objet à tester est représentée par un maillage, c’est-à-dire un ensemble de petits triangles qui recouvrent sa surface pour la discrétiser (passer d’une surface continue à un ensemble fini de triangles). Ensuite, la méthode des éléments finis permet de faire différents calculs, comme par exemple trouver la déformée de l’objet après qu’il ait subi une contrainte.
Voici par exemple ci-dessous une éprouvette déformée, sur laquelle on voit bien le maillage. J’ai produit cette figure avec le logiciel Cast3M du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies), vous pouvez ainsi voir ce qu’est un maillage.
>> Quelques sources (pas trop compliquées) pour aller plus loin :
– une petite explication élémentaire
– un document
– ce cours
– un document d’Eduscol, assez bien vulgarisé
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